dimanche 8 mars 2009

Ames sensibles s'abstenir




Françoise Cruells a assisté en février dernier à la fête de Thaipusam, l'occasion - spectaculaire - pour les dévots hindous de faire pénitence ou d'implorer l'aide du dieu Subrahmanya. Elle m'a autorisé à publier son reportage ci-dessous (texte et photo):


Le 8 février 2009 marquait la grande fête du dieu Subrahmanya, Thaipusam.


Ce dieu est le deuxième fils de Shiva et Parvati. C'est aussi le chef des armées et le dieu de la guerre, l'équivalent de Mars ou d'Ariès. On le retrouve aussi sous les noms de Murugan, Skanda, Kartikeya, Guha, etc.

Son véhicule est le paon. Il vainquit le démon Surapadman qui ravageait la terre et ses habitants. Thaipusam est la célébration de son courage et de sa naissance. Il est le fruit de la sagesse et de la connaissance et représente la perfection. C'est l'une des plus grandes fêtes de l'Inde et de l'Asie du Sud-Est en général. Des centaines d'Hindous qui recherchent pénitence et pardon pour leurs pêchés passés, ou désirent montrer leur gratitude au dieu, transportent un kavadi, sorte d'arche en bois recouverte de fleurs et de fruits, représentant les deux montagnes sacrées transportées autrefois par Idumban. D'autres se transpercent certaines parties du corps, comme la langue ou les joues, avec de fines lances. Certaines de ces lances peuvent réunir « en brochette » jusqu'à 10 pèlerins... Ils marchent, ainsi, avec la lance entre les dents, qu'ils soutiennent de chaque côté de leurs mains. Les dévots concentrent leurs esprits sur le dieu et ne ressentent pas de douleur, ni ne saignent - et plus étonnant encore - n'ont aucune cicatrice après.

Pendant 40 jours, les dévots se préparent en observant un régime très strict et des gestes précis : lever très tôt, bain froid, pas d'alcool, pas de cigarette, pas de sexe, prière et mantras, alimentation entièrement végétarienne.

De bonne heure ce matin, ils se sont rassemblés au temple. Une foule déjà dense se répand. Les pèlerins portent sur leur tête le kavadi. Ils vont tourner plusieurs fois autour de l'autel, accompagnés par les chants et la musique des tablas, ces tambours indiens au son si particulier. Le soleil pointe à peine...

Au pied du temple, les dévots se font transpercer. Un groupe entoure les pèlerins et scande des mots répétitifs, martelés par les tambours, jusqu'à ce qu'ils entrent en transe, comme un coma. C'est à ce moment qu'on leur plante, avec dextérité, la lance fine et pointue.

Puis, le défilé commence lentement. Ils vont parcourir jusqu'à 10 km avec leur fardeau, sous un soleil de plomb. Outre les transpercements de la joue ou de la langue, certains ont planté de petites flèches sur leur poitrine, leurs bras, leurs oreilles ou leurs sourcils.

Autour d'eux, une foule colorée se presse pour les encourager, les soutenir du regard ou, tout simplement, les admirer. Des hommes, plus proches, les accompagnent de leurs cris, répétant des mantras, tout en battant des mains ou les aspergeant d'eau par intermittence.

La longue procession s'étire dans toute la rue principale de Nedungolam. Certains dévots sont carrément accrochés à des poteaux, la chair pendante au bout d'un crochet de boucher, et se balancent dans les airs au gré des secousses des camions qui les transportent. Même si ces derniers roulent au ralenti, on imagine aisément la souffrance à chaque vibration...

Le plus époustouflant, ce sont les enfants. De petits bonhommes de 4 ou 5 ans, parfois fiers, parfois apeurés, qui iront tous au bout de leur chemin sans faillir.

Cela va durer ainsi toute la matinée, depuis le lever du soleil jusqu'à 14 h environ. Arrivés au temple, les pénitents doivent encore faire un tour du bâtiment, avant de pouvoir ôter leur fardeau. Là, certains s'effondrent ou perdent connaissance. Comme si, en les délivrant, on leur portait le coup de grâce.

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